• ➤ Gloria Steinem, le féminisme et la CIA

    Cet article est la traduction de Did the CIA Use Gloria Steinem to Subvert the Feminist Movement? publié par Stuart Jeanne Bramhall, une féministe de la première heure, sur son site éponyme.

    Gloria Steinem est la principale figure médiatique du féminisme américain. On pourrait dire que, pour ce qui est du féminisme, elle est à Gisèle Halimi ce qu’Elvis Presley est à Johnny Halliday pour le rock. Les lecteurs assidus de ce blog ne seront pas surpris d’apprendre que l’on trouve derrière cette activiste, et par extension derrière le mouvement sociétal qu’elle représente, la grosse patte velue de la CIA. Elle a d’ailleurs été brièvement mentionnée dans l’article Des invités indésirables : une brève histoire de la CIA sur les campus, où l’on apprenait qu’elle organisait les opérations de propagande destinées aux étudiants américains envoyés au Festival de la Jeunesse de Vienne.

    ➤ Gloria Steinem, le féminisme et la CIA


    Gloria Steinem : « J’ai eu un avortement. »

    Bien que le passé d’agent de la CIA de Gloria Steinem fasse l’objet d’une attention soutenue sur internet, il s’agit d’un sujet entièrement tabou dans les médias dominants ou dans les médias soi-disant « alternatifs ». Les activités de Steinem à l’Independent Research Service furent portées à la connaissance du public en 1967, lorsque le magazine Ramparts révéla que l’Independent Research Service et la National Student Association étaient des paravents de la CIA.

    Craignant une publicité peu flatteuse, Steinem donna des interviews pour le New York Times et le Washington Post, dans lesquelles elle défendait son travail pour la CIA (voir la vidéo ci-dessous). Elle prétend dans les deux articles avoir pris l’initiative de contacter Cord Meyers, qui dirigeait alors l’International Organization Division de la CIA et Mockingbird*, leur opération top-secret. Son rôle aurait prétendument été d’obtenir un financement de la CIA pour encourager la participation américaine au septième Festival Mondial de la Jeunesse (sponsorisé par les soviétiques) en 1959.

    L’article la cite : « Loin d’être choquée par cette implication [de la CIA], j’étais heureuse de trouver des progressistes visionnaires au gouvernement qui se sentaient suffisamment concernés pour permettre à des américains de tous les horizons politiques d’y participer. »

    Steinem avait été la directrice de l’Independent Research Service, l’organisation financée par la CIA, de 1958 à 1962. Elle avait pour responsabilité d’organiser la participation des étudiants, universitaires et écrivains américains au Festival Mondial de la Jeunesse annuel, d’observer et de prendre des notes sur les participants étrangers, de distribuer des tracts, des brochures et des livres, et de publier quotidiennement un journal de propagande.

    ➤ Gloria Steinem, le féminisme et la CIA
    Gloria Steinem recevant la Presidential Medal of Freedom, la plus haute distinction
    civile américaine, des mains de Barack Obama en 2011

    Steinem menace d’intenter un procès à Random House

    Les liens de Steinem avec la CIA sont apparus une seconde fois dans les médias dominants en 1979, lorsque Village Voice publia un article sur la censure par Random House d’un chapitre du livre Feminist Revolution, rédigé par le Collectif Redstockings. Random House supprima ce chapitre, qui décrivait le travail effectué par Steinem pour la CIA, après que Steinem ait menacé de les poursuivre en justice. Ce chapitre supprimé (que vous pouvez obtenir gratuitement en commandant une édition de Feminist Revolution par le Collectif Redstockings) suggère également que son engagement avec la CIA pourrait ne pas avoir pris fin lorsqu’elle quitta l’International Research Service. On y découvre que le financement qui a permis à Steinem de créer Ms. Magazine provenait de grandes entreprises orientées à droite, ainsi que le rôle-clé joué par le magazine dans la transformation du féminisme américain, passé d’un mouvement largement multi-classes et multi-racial, à un mouvement qui se consacrait à semer la discorde en attaquant les hommes, et à promouvoir l’avancement social des femmes blanches de la classe moyenne supérieure.

    Les premières féministes des années soixante et soixante-dix ne détestaient pas les hommes (en tout cas, pas celles avec lesquelles j’ai travaillé). Ce qu’elles détestaient, c’était le patriarcat et l’utilisation des privilèges masculins pour refuser aux femmes et aux enfants l’égalité complète en tant qu’êtres humains.

    L’opération Mockingbird en action

    En 1960, Clay Felker, un employé de l’Independent Research Service lié à la CIA qui avait accompagné Steinem au Festival Mondial de la Jeunesse d’Helsinki en 1962, devint le rédacteur en chef du magazine Esquire, où il publia la plupart des premiers articles féministes de Steinem. En 1968, Felker lança le magazine New York, et il engagea Steinem en 1971 à un poste de chroniqueuse. Ce fut Felker qui publia la première édition de Ms. Magazine en tant qu’encart au magazine New York.

    ➤ Gloria Steinem, le féminisme et la CIA

    Comme l’écrit le magazine féministe Off Our Backs en 1975 dans un article consacré au scandale Redstockings, leur découverte du passé d’agent de la CIA de Steinem a soulevé de nombreuses inquiétudes sur sa soudaine élévation (principalement par les médias dominants) au rang de leader officiel du mouvement féministe américain, alors qu’elle n’avait jamais fait partie d’aucun groupe féministe ni été impliquée dans aucune action féministe. [ndt : extrait de l’article donné en lien : « Nous nous interrogeons sur les motivations qui ont poussé Steinem à intégrer le mouvement féministe en 1969-70, si peu de temps après avoir défendu la CIA et seulement un an après avoir siégé au conseil d’administration de l’Independent Research Service. Nous trouvons suspecte son ascension soudaine en tant que ‘‘ leader du mouvement féministe ’’, à une époque où, contrairement aux autres leaders féministes, elle n’était active dans aucun groupe féministe, n’avait écrit aucun ouvrage féministe, n’avait pas été élue au Parlement ni joué un superbe match de tennis. Elle était en fait inconnue de la plupart des femmes du mouvement – elle était tout au plus connue des lectrices du magazine New York comme étant une journaliste sympathisante. » ]

    Il est intéressant de noter que la première éditrice de Ms. Magazine était Elizabeth Forsling Harris, une agente de relations publiques en lien avec la CIA qui avait planifié le tracé du cortège de John Kennedy à Dallas.

    Confusion à la NOW

    En 1966, Steinem était toujours membre du comité de direction de l’International Research Service lorsqu’elle fonda la National Organization for Women (NWO) avec Betty Friedan, auteur de The Feminine Mystique. Un article de 2001 paru dans The American Prospect (citant The World Split Open par Ruth Rosen) décrit comment Carol Hanisch et Kathie Sarachild, membres éminents de la NOW, accusèrent ouvertement Steinem de travailler pour la CIA et « de diriger le mouvement vers la modération et la capitulation. » Friedan elle-même finit par exprimer ses inquiétudes que « la paralysie dans la direction » du mouvement « pourrait être due à la CIA » et demanda des explications à Steinem.

    Trois mois plus tard, Steinem écrivit une lettre de six pages à diverses publications féministes, où elle décrivait son travail lors de deux festivals estudiantins de 1959 et 1962 qui avaient été financés par la CIA. Cherchant à se défausser de l’accusation selon laquelle elle était ou avait été un agent du gouvernement, elle déclara : « J’ai pensé naïvement que l’origine de l’argent n’avait pas d’importance, puisque j’avais constaté qu’il avait été donné sans que des ordres n’aient été imposés ou qu’un contrôle n’ait été exercé. »

    L’article de Off Our Backs soulève également des questions sur une organisation parallèle, nommée Women’s Action Alliance (WAA), fondée par Steinem en 1971 (en compétition avec la NWO – créer des groupes parallèles est une stratégie fréquemment employée par le renseignement américain pour saboter des organisations populaires). Située dans le même immeuble que Ms. Magazine, la WAA n’était impliquée dans aucune action, comme son nom aurait pu le laisser entendre. Elle était principalement engagée dans la collecte d’informations. Elle avait reçu un financement de 20 000 dollars du Rockefeller Family Fund pour mettre en place « un centre d’information et un service de référencement au plan national » sur le mouvement féministe. La WAA collectait des informations sur les principaux leaders du mouvement féministe et sur leurs groupes et activités, sans doute pour faciliter la surveillance exercée sur elles par le FBI et la CIA.

    La fascination de Steinem pour les hommes fascistes

    Bien qu’elle soit présentée comme une féministe de gauche, Steinem a clairement eu une attirance pour les hommes de droite, ayant souvent des liens avec la CIA ou le FBI. Elle a eu une relation de neuf ans avec Stanley Pottinger, assistant du ministre de la justice sous Nixon et Ford, qui a joué un rôle majeur dans la lutte contre le mouvement pour les droits civiques. Il a également entravé les enquêtes sur les assassinats de Martin Luther King et de l’ancien ministre des affaires étrangères chilien Orlando Latelier.

    Pottinger a fait l’objet d’une enquête en 1984 pour sa participation au scandale de l’Irangate, un complot de la CIA pour fournir illégalement des armes à l’Iran.**

    Dans les années quatre-vingt, Steinem a eu une relation avec Henry Kissinger. [ndt : Steinem a nié cette information, et je n’ai pu en trouver de confirmation nulle part sur le net]

    L’instrumentalisation du féminisme noir pour saboter le mouvement pour les droits civiques

    À la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt, les leaders afro-américains s’inquiétaient de la multiplication de cas où des agents gouvernementaux se faisant passer pour des féministes noires infiltraient leurs groupes communautaires dans le but d’attirer leurs membres féminins vers des organisations concurrentes. Ils faisaient remonter ce phénomène à 1978, lorsque Steinem mit le livre Black Macho and the Myth of the Superwoman en couverture de Ms. Magazine.

    Ce livre avait été prétendument écrit par une « féministe » et « activiste » noire du nom de Michele Wallace. Wallace, âgée d’une vingtaine d’années, et qui comme Steinem est sortie de nulle part (elle faisait des recherches pour la section littéraire de Newsweek), a soudain été désignée comme le « leader » du féminisme noir. Dans le livre, Wallace qualifie des abolitionnistes telles que Harriet Tubman et Sojourner Truth de « moches » et de « stupides » pour avoir avoir soutenu des hommes noirs. Elle traitait les révolutionnaires noirs de « porcs machos et chauvins » et conseillait aux femmes noires de « faire ça toutes seules ».

    ➤ Gloria Steinem, le féminisme et la CIA
    Gloria Steinem et Michele Wallace

    Gloria Steinem soutenait que le livre de Wallace allait « définir le futur des relations entre les noirs » et elle fit tout son possible pour s’assurer que le livre reçoive une publicité massive. Les efforts de Gloria Steinem entraînèrent la parution d’un flot de livres et de films sur le thème de la détestation des hommes noirs, qui se poursuit jusqu’à nos jours.


    * L’opération Mockingbird était une campagne secrète de la CIA ayant pour but d’influencer les médias en plaçant des agents de la CIA dans le personnel et dans les comités de rédactions des principaux éditeurs et organes de presse, et en rémunérant des journalistes pour qu’ils publient des articles favorables aux intérêts de la CIA. L’opération aurait pris fin en 1976, mais de nombreux chercheurs pensent qu’elle se poursuit de nos jours sous un nom différent.

    ** L’Irangate était une opération dans laquelle la CIA a fourni illégalement des armes à l’Iran pour financer sa guerre illégale au Nicaragua.


  • Commentaires

    1
    tobor
    Samedi 22 Octobre 2016 à 15:34

    Effectivement, le bilan actuel du "féminisme" est l'adoption des valeurs et pratiques masculines par les femmes et non la valorisation des valeurs et pratiques féminines. C'est une ironie extrêmement cynique!

      • Dimanche 23 Octobre 2016 à 10:50

        Très juste.

        Le féminisme a également permis de faire pression à la baisse sur les salaires en poussant les femmes sur le marché du travail. Il a aussi permis de fragiliser la cellule familiale. Et les hommes, minés par des problèmes familiaux et professionnels d'un genre nouveau, ont eu moins de temps et d'énergie pour contester le pouvoir politique et économique.

        Quel beau mouvement !

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