• ➤ « Papa » John Phillips, le roi-loup de L.A.

    Cet article est la traduction du dix-huitième chapitre du livre de David MacGowan, Weird Scenes Inside The Canyon.

    L'histoire étrange, mais néanmoins véridique, du Laurel Canyon et de la naissance de la génération hippie.

    John Phillips

    John Phillips

     

    Télécharger l'article en pdf

     

    « John [Phillips] était le contrôleur ultime. » Lou Adler, producteur/manager de The Mamas and the Papas

    « C’était pratiquement son esclave. » Michelle Phillips, décrivant la relation entre John et sa troisième femme, Genevieve Waite



       Au cours de notre voyage, nous avons pu voir comment ce qu'on pourrait considérer comme étant les deux meurtres de masse les plus sanglants et les plus célèbres de l'histoire de la Cité des Anges – les meurtres des occupants de la demeure de Cielo Drive dans le Benedict Canyon, et les meurtres à coups de matraques de quatre trafiquants de drogue sur Wonderland Avenue, surnommés Four on the Floor – étaient en relation directe avec la scène musicale du Laurel Canyon. Mais la ville de Los Angeles peut s'enorgueillir d'un autre meurtre particulièrement célèbre, et qui est sans conteste le plus horrible et le plus fameux des homicides non élucidés dans l'histoire de la ville.

       Le 15 juillet 1947, le corps mutilé de l'actrice débutante Elizabeth Short était retrouvé étendu sur une pelouse. Le corps nu avait été massacré rituellement, coupé en deux avec soin, et complètement vidé de son sang. Des parties du corps avaient été retirées, après quoi le cadavre avait été soigneusement désinfecté. Des ecchymoses indiquaient avec certitude que la jeune fille avait été frappée avec une grande brutalité. L'autopsie a révélé que, pendant qu'elle avait été soumise à la torture, on l'avait forcée à manger des excréments. Elle fut bientôt surnommée « le Dahlia Noir », un nom qui est resté célèbre jusqu’à nos jours.

    Dahlia Noir

    Le corps mutilé d'Elizabeth Short

       Il y a beaucoup d’éléments contradictoires dans ce qui a été écrit sur la courte vie de mademoiselle Short. Parmi les faits sur lesquels tout le monde semble s’accorder, on citera qu’elle avait travaillé peu de temps auparavant sur une base militaire nommée Vandenberg Air Force Base, et qu’elle était liée d’une façon ou d’une autre avec un hôpital de l’US Navy à San Diego, où il se pourrait qu’elle ait travaillé. C’est en tout cas ce qu’elle annonçait dans une lettre envoyée à sa mère.

       Contrairement aux meurtres commis par la Manson Family et à ceux de Wonderland Avenue, la mutilation du Dahlia Noir a eu lieu deux décennies avant les années glorieuses du Laurel Canyon. Néanmoins, un lien pourrait exister entre ce meurtre et la scène musicale.

       Cette histoire commence le 30 août 1935, avec la naissance de John Edmund Andrew Phillips, fils de Claude et Edna Phillips. Claude était un officier et ingénieur du corps des Marines à la retraite. Son père, John Andrew Phillips, un architecte de premier plan, fit un jour « une chute mortelle et mystérieuse » sur un chantier, d’après l’autobiographie de John Phillips.

       La mère de John, Edna, a eu une éducation peu conventionnelle. Sa mère était une médium et une guérisseuse, et la plupart de ses onze frères et sœurs étaient connus localement pour être des bandits à la gâchette facile. À l’âge d’un an, Edna aurait prétendument été enlevée par des gitans! Pas d’inquiétude à avoir, cependant – son père l’aurait retrouvée un an après au Mexique, même si la façon dont il a récupéré sa fille restera sans doute un mystère à tout jamais.

       Edna avait tout juste quinze ans quand elle rencontra Claude Phillips, avec qui elle entama une relation. D’après la légende, Claude aurait soi-disant gagné un bar situé dans l’Oklahoma au cours d’une partie de cartes disputée avec un autre soldat lors de leur retour de France à la fin de la première guerre mondiale; ce qui, rétrospectivement, semble tout aussi crédible que la plupart des histoires de famille racontées par John. Edna venait d’avoir dix-huit ans lorsqu’elle mit au monde le premier enfant du couple, Rosie Phillips, le jour de la Saint-Sylvestre 1922. Rosie fit par la suite carrière au Pentagone, où elle retrouvera la première épouse de John. Quelques années plus tard, John racontera que la fille de Rosie, Patty, sera « retrouvée morte d’une overdose dans l’appartement d’une amie à North Hollywood... Sa mort était entourée de mystère. » C’est le genre de choses qui ont tendance à arriver aux familles installées dans le Laurel Canyon.

       À la fin des années 20, Claude Phillips fut envoyé à Haïti, où il resta pendant quatre ans. Il fut ensuite muté à Quantico, puis à Managua, au Nicaragua, avant de revenir à Alexandria en Virginie, où John Phillips, que l’on pourrait considérer comme la figure la plus importante de la scène musicale du canyon, passa la majeure partie de son enfance. John fréquenta les bancs d’écoles militaires et catholiques particulièrement strictes. Il fut aussi enfant de chœur, même si lui-même raconte qu’il avait un côté sombre qui le poussait à s’adonner au vandalisme, au vol de voitures, à l’effraction de domicile, à la bagarre et à d’autres bêtises de ce genre. Sa mère, quant à elle, faisait la chasse aux hommes, quand elle ne passait pas son temps avec un colonel de l’US Army du nom de George Lacy. Par la suite, John eut vent d’une rumeur affirmant que que son véritable père était un médecin du corps des Marines nommé Roland Meeks, qui perdit la vie dans un camp de prisonniers au Japon durant la seconde guerre mondiale.

       Phillips jouait au basket à la George Washington High School, dont il sortit diplômé en 1953. Il parvint ensuite à intégrer l’académie navale d’Annapolis, qu’il quitta peu de temps après son admission. Il obtint l’un de ses premiers emplois sur un bateau de pêche recyclé pour le transport de passagers. Comme John s’en souviendra par la suite, l’équipage, en plus de lui, était composé d’un officier de la Navy à la retraite et de quatre généraux de l’Army à la retraite. Un petit boulot qui semblait parfaitement convenir à l’un des futurs guides du mouvement hippie. Phillips s’est aussi essayé à la vente de concessions dans les cimetières.

       Comme nous l’avons vu au début de cette odyssée, la première épouse de John était l’aristocratique Susie Adams, une descendante en ligne directe du président John Adams, et une pratiquante occasionnelle du vaudou. Le premier enfant du couple, Jeffrey, naquit le 13 décembre 1957. Peu de temps après, John se retrouva à la Havane à Cuba, juste au moment où le régime de Batista était sur le point d’être renversé par les forces révolutionnaires de Fidel Castro. D’après Phillips, ses compagnons de voyage et lui « furent attrapés dans la rue par un réalisateur, et emmenés dans un studio de télévision pour apparaître en direct dans une émission de variété de La Havane ». Je suis certain que de nombreux lecteurs ont connu des expériences similaires.

       Plusieurs mois plus tard, en 1958, Phillips s’envola pour Los Angeles où il donna des concerts amateurs à la Pandora Box sur le légendaire Sunset Strip. Son premier groupe, The Journeymen, était composé de Phillips, Scott McKenzie et Dick Weismann. C’est au cours d’une tournée avec ce groupe que Phillips rencontra Holly Michelle Gilliam, alors très jeune. Michelle était née le 10 novembre 1944 à Long Beach, en Californie, d’un père tantôt décrit comme travaillant dans la marine marchande, comme un assistant de production pour le cinéma, ou comme un intellectuel autodidacte. Lorsque la mère de Michelle, la fille d’un prêtre baptiste, décéda d’une rupture d’anévrisme, celle-ci était tout juste âgée de cinq ans. Son père emmena alors ses filles avec lui au Mexique, pour y poursuivre des études universitaires, études financées par une bourse réservée aux vétérans de la seconde guerre mondiale. Ils y restèrent plusieurs années. À leur retour en Californie du Sud, Gil trouva du travail en tant qu’agent de probation pour le comté de Los Angeles. D’après John, le travail de Gil « l’amenait souvent à quitter la ville », même si on peut penser que ces absences devaient rendre difficiles sa vérification de l’exécution des peines.

       En 1958, pendant que son futur époux prenait des vacances dans une île de Cuba en pleine guerre civile, Michelle trouvait une mère de substitution en la personne de Tamar Hodel, une jeune femme de vingt-trois ans. Le père de Tamar, le docteur George Hodel, a été décrit en 2007 par le magazine Vanity Fair comme étant « l’homme le plus pathologiquement décadent de Los Angeles » et comme « la sommité locale sur les maladies vénériennes et un membre permanent du gotha de la ville ». L’article relevait également que « George Hodel partageait avec Man Ray une passion pour les œuvres du marquis de Sade, ainsi que la croyance que la quête de la liberté personnelle valait tous les sacrifices ». En d’autres termes, Hodel avait adopté la devise luciférienne « Fais ce que voudra ». [ndt: la maxime rabelaisienne a été reprise par Aleister Crowley, alias la Bête 666: « Do what thou wilt shall be the whole of the Law »]

    George Hodel

    George Hodel

       Toujours d’après cet article, Tamar et ses frères et sœurs avaient « grandi dans la maison de leur père à Hollywood, une sorte de temple maya conçu par le fils de Frank Lloyd Wright, et qui était le lieu de fêtes débridées au cours desquelles Hodel était parfois rejoint par le réalisateur John Huston et le photographe Man Ray ». La luxueuse demeure abritait, entre autres aménagements, un caveau souterrain, ce qui peut toujours être utile. Dans cette maison décidément très étrange située sur Hollywood Hills, à moins de cinq kilomètres de l’entrée du Laurel Canyon, Tamar raconte comment elle « posait souvent, et ‘‘difficilement’’ nue... pour ‘‘ce vieux pervers’’ de Man Ray et [comment] elle était parvenue à échapper à un John Huston au comportement de prédateur ». Son propre père, on n’en sera pas surpris « avait eu des relations incestueuses avec elle.‘‘À onze ans, mon père m’a appris à lui faire des fellations’’ ». Son père l’a aussi « initiée à la lecture des livres érotiques, la préparant pour ce qu’il présentait comme leur future union transcendante », tout en la partageant librement avec ses amis riches et influents.

    Maison Hodel

    La maison de George Hodel de nos jours

       « La jeune fille apprit alors avec horreur qu’elle était enceinte » à l’âge de quatorze ans, et qu’il s’agissait de l’enfant de son père. « Elle fut horrifiée d’entendre que ‘‘mon père voulait que j’accouche de son enfant’’ ». Un ami l’emmena néanmoins pratiquer un avortement. Le docteur George en fut si furieux que, d’après Tamar, « il la frappa sur la tête avec un pistolet », ce qui força sa belle-mère (qui se trouvait être l’ex-femme de John Huston) à l’aider à partir se cacher. Le docteur George Hodel fut arrêté et accusé, entre autres, d’avoir offert sa jeune fille à plusieurs amis au cours d’une orgie. Le procès pour inceste fit sensation en 1949; on put y entendre un témoin qui décrivait comment Hodel l’avait hypnotisé au cours d’une soirée.

       Les allégations selon lesquelles les riches et les puissants pratiquent l’inceste, l’hypnose, organisent des orgies pédophiles et sont des adeptes de philosophies lucifériennes ont sûrement dû choquer les habitants du Los Angeles des années 40, tout comme elles choqueraient sans doute la majorité des américains de nos jours. Ceci explique peut-être pourquoi le jury fit le choix de ne pas croire Tamar, et d’acquitter le docteur Hodel. Bien sûr, le fait que Tamar ait été diffamée à la fois par la défense, menée par Jerry Giesler, ainsi que par la presse locale, a sans doute pesé dans la balance.

       Ce que peu de personnes savaient alors, et qui peut sembler encore plus choquant que les accusations entendues au cours du procès, est qu’Hodel, alors même qu’il était accusé de ces crimes, était par ailleurs le principal suspect dans l’affaire du meurtre du Dahlia Noir! De nombreux suspects furent identifiés dans cette affaire, y compris l’acteur-réalisateur Orson Welles. Mais George Hodel semble bien être le suspect principal. Et sa possible culpabilité, il convient de le noter, n’exclut pas la participation de complices à ses côtés. L’erreur commise par la quasi-totalité des enquêteurs sur cette affaire a été de croire qu’il n’y avait qu’un seul coupable. Il est tout à fait possible qu’Hodel ait commis ce crime avec la collaboration d’autres fréquentations de son cercle luciférien. Le photographe Man Ray, par exemple, est un suspect de premier choix, étant donné que la pose dans laquelle a été découverte le cadavre de mademoiselle Short semblait reproduire Le Minotaure, une de ses photographies les plus célèbres.

    Minotaure Man Ray

    Le Minotaure de Man Ray

       Il paraît improbable que la fille de quatorze ans d’un petit agent de probation se retrouve dans l’orbite de la fille du très riche et très bien introduit George Hodel, mais j’imagine que ce n’est pas moins improbable que de nombreux autres aspects de la saga du Laurel Canyon. Tamar, décrite par Michelle comme étant « la quintessence du glamour », prit rapidement la jeune fille sous son aile, lui achetant des vêtements, l’inscrivant à des cours de mannequinat, lui apprenant à conduire, lui fournissant une fausse carte d’identité ainsi qu’un flux continu de médicaments sous ordonnance – probablement obtenus grâce à son père. D’après Michelle, « Tamar badinait avec mon père, et coucha avec lui lorsque cela devint nécessaire ». Ceci explique peut-être pourquoi Gil n’a rien trouvé à redire lorsque, au début de l’année 1961, sa fille mineure est partie s’installer à San Francisco avec sa mère de substitution.

       Tamar eut bientôt une relation avec le membre des Journeymen Scott McKenzie, et Phillips, autre membre de ce groupe, se mit à rendre visite à Tamar et Michelle sur une base journalière. Il ne fallut pas beaucoup de temps pour que Michelle, alors tout juste âgée de seize ans, ait une relation amoureuse avec Phillips, âgé quant à lui de vingt-cinq ans, malgré le fait que John était à l’époque toujours marié avec Susie Adams, avec laquelle il vivait encore, et qui lui avait donné deux enfants, Laura Mackenzie Phillips ayant vu le jour le 10 novembre 1959 à, naturellement, Alexandria en Virginie. Le père Gil, qui venait de se trouver sa propre épouse de seize ans (l’une de ses six épouses), n’exprimait toujours pas son inquiétude. Et on peut dire sans grand risque de se tromper que le père de Phillips, qui avait fait la cour à sa femme alors que cette dernière n’était âgée que de quinze ans, n’était probablement pas très inquiet lui non plus.

       En octobre 1962, environ un an après avoir rencontré Michelle, John se retrouva à Jacksonville, en Floride, à côté de la base aéronavale de Jacksonville et de la base navale de Mayport pour « deux semaines de repos et de répétitions », qui coïncidaient avec la crise des missiles de Cuba. Pour quelqu’un qui d’après ses dires « n’a jamais apprécié les plaidoyers politiques », John semblait éprouver un intérêt très marqué pour les affaires cubaines. Deux mois plus tard, le jour de la Saint-Sylvestre 1962, Holly Michelle Gilliam devint la seconde épouse de John Phillips. Elle intégra aussi le nouveau groupe de son époux, tout comme le canadien Denny Doherty, qui était auparavant membre des Mugwumps avec Cass Elliot. Le groupe fut nommé The New Journeymen.

       Le trio nouvellement formé embarqua pour une aventure caribéenne alimentée par la drogue, avec St. Johns comme première destination, où John prétendit qu’ils avaient « nagé dans l’acide » durant plusieurs semaines. Ils se dirigèrent ensuite vers St. Thomas, où ils emménagèrent dans un bar miteux nommé Duffy’s situé en bord de mer, et qui faisait également office de pension de famille. Ils y furent bientôt rejoints par Ellen Naomi Cohen, plus connue sous le nom de Cass Elliot, accompagnée de son ami d’enfance, le neveu de John. Cass naquit à Baltimore, mais elle fut élevée à Alexandria où elle étudia au lycée George Washington, tout comme Phillips. La légende raconte que Cass servait dans la salle pendant que le trio jouait des chansons folk. Au cours de la période qu’ils passèrent sur cette île, Phillips raconte que « la ville grouillait de Marines et de marins ivres qui revenaient du Vietnam ».

       Le groupe quitta la pension de famille pour s’installer dans une maison en construction sur Creeque Alley qui, toujours d’après John, fut connue comme « la maison ouverte de l’île, et tout le monde était le bienvenu dans notre communauté ». Au bout d’un certain temps, le gouverneur leur enjoignit de quitter l’île, censément « parce qu’il pensait que son neveu se droguait avec les cinglés de Creeque Alley ». Le groupe était finalement composé de John Phillips, Michelle Phillips, Denny Doherty et Cass Elliot, et ils avaient composé de quoi sortir un album. Ce premier album inclura des classiques comme California Dreamin’ et Monday, Monday. Aucun des albums suivants du groupe ne s’approchera du niveau de composition et d’écriture qu’ils sont parvenus à atteindre d’une façon ou d’une autre au cours de leur aventure caribéenne.

    ➤ « Papa » John Phillips, le roi-loup de L.A.

    The Mamas and the Papas

       Bien qu’ils fussent isolé sur St. Thomas, les chansons que le groupe ramena avec lui à L.A. étaient comme par hasard du genre folk-rock, que personne n’avait entendu auparavant, mais qui devait bientôt émerger. Dans son autobiographie, Papa John, Phillips cite Doherty disant que tout le monde « évoluait vers le même son au même moment, sans qu’il y ait vraiment d’échanges à ce sujet ». Je suppose qu’il s’agissait là de l’œuvre du destin – une coïncidence extraordinaire de plus!

       On peut dire que Phillips a donné un certain nombre de versions différentes à propos de la création des chansons de ce premier album. Dans l’une d’entre elles, California Dreamin’ a été écrite au milieu de la nuit dans une chambre d’hôtel de New York, avec l’aide de Michelle. Une autre version soutenait que la chanson avait été composée au cours du voyage entre New York et Los Angeles. Une autre que la chanson remontait à 1963. Et il arrivait aussi que Phillips prétende que la chanson n’avait même pas été écrite pour The Mamas and the Papas, mais plutôt pour Barry McGuire, qui était un chanteur dans le vent après la sortie de Eve of Destruction en 1965.

       Un mois après leur arrivée à L.A., le groupe était déjà pourvu d’un producteur/manager (Lou Adler, un gamin juif qui avait grandi dans un quartier chaud peuplé majoritairement d’hispaniques) et d’un contrat avec une maison de disques, et John et Michelle s’étaient installés dans une maison confortable située sur la Lookout Mountain dans le Laurel Canyon. Ils eurent bientôt suffisamment d’argent pour acquérir l’ancienne résidence de Jeanette McDonald au 783 Bel Air Road, où l’on pouvait admirer des « gargouilles sculptées dans le bois » et qui bénéficiait d’un « caveau sous la maison », ce qui peut toujours servir, comme je l’ai déjà mentionné. Sise sur deux hectares de terrain, la luxueuse demeure, avec cinq Rolls-Royce dans l’allée, était le théâtre de fêtes ininterrompues.

       Le groupe nouvellement formé avait bien entendu besoin d’un nom; John a beaucoup insisté pour que ce soit Magic Cyrcle et les connotations occultistes qui l’accompagnent. Le groupe fut brièvement connu sous ce nom avant qu’il ne devienne définitivement The Mamas and the Papas. Il s’avéra que le groupe eut une durée de vie assez courte: il n’enregistra et ne se produisit sur scène que pendant trois ans, de 1965 à 1968, avec une brève reconstitution en 1971 pour satisfaire à des obligations contractuelles envers leur maison de disque. Au cours de cette période, le groupe accoucha de cinq albums et de onze singles classés dans les quarante meilleures ventes. À ce jour, la formation a vendu près de 100 000 000 d’albums.

       Le premier album de The Mamas and the Papas, If You Can Believe Your Eyes and Ears, sortit au début de l’année 1966 et se classa au sommet des ventes de disques. La suite peut se résumer à un lent déclin. Alors qu’ils enregistraient leur second album en juin 1966, Michelle fut congédiée du groupe parce qu’elle avait une liaison avec Denny Doherty, ce qui provoquait de nombreuses frictions au sein du groupe. Elle fit cependant son retour au mois d’août, ce qui n’empêcha pas la sortie du second album de se solder par un relatif échec commercial. Le troisième album, enregistré en 1967 et intitulé Deliver, fut un échec tout court. Puis en juin de cette année, The Mamas and the Papas se produisirent en clôture du festival pop de Monterey, où leur prestation fut unanimement qualifiée de pathétique.

       Deux mois après Monterey, le groupe fit sa dernière apparition télévisuelle dans le Ed Sullivan Show. Deux mois plus tard, le quartet se rendit en Europe pour y enregistrer leur quatrième album. Le groupe se sépara peu après. John se lança dans une carrière solo avec la sortie de John Phillips, the Wolf King of LA, frappé du logo de son propre label, Warlock Records, et qui fut un échec commercial. Pour satisfaire les demandes de leur maison de disque, le groupe se reforma brièvement à l’occasion de la sortie de leur quatrième album, People Like Us. Le groupe fut une fois de plus dissout peu après cette tentative infructueuse sur le plan commercial.

       À l’apogée de The Mamas and the Papas, John et Michelle connaissaient, et accueillaient régulièrement chez eux, virtuellement tous les personnages importants des canyons. Le cercle d’amis du couple incluait, en plus des chanteurs et musiciens résidant dans le Laurel Canyon, Warren Beatty, Peter et Jane Fonda, Jack Nicholson, Terry Melcher et sa petite amie Candice Bergen, Marlon Brando, Roman Polanski et Sharon Tate, Abigail Folger et Voytek Frykowski, le journaliste à scandales bientôt décédé Steve Brandt, Larry Hagman, le beau-frère du président Kennedy Peter Lawford (qui sortait à peine de son implication supposée dans la dissimilation du meurtre de Marilyn Monroe), Dennis Hopper, Ryan O’Neal, Mia Farrow, le franc-maçon éthéré Peter Sellers, et Zsa Zsa Gabor. Et un auteur-compositeur court sur pattes et aux cheveux en bataille du nom de Charles Manson.

    Charles Manson

    Charles Manson

       Il est certain que les liens entre The Mamas and the Papas et Charles Manson étaient nombreux. Et entre The Mamas and the Papas et les victimes de Cielo Drive. John Phillips, par exemple avait investi 10 000$ dans l’entreprise de Jay Sebring, Sebring International, dont la rumeur disait qu’elle servait de couvertures à diverses activités illégales, y compris le trafic de drogue. Michelle Phillips a eu une brève liaison avec Roman Polanski à Londres, alors que Polanski était marié avec la future victime Sharon Tate; cette dernière aurait été initiée à la pratique de la sorcellerie au cours de ce même séjour londonien. Mama Cass, comme on l’a déjà vu, vivait juste en face de la maison du 2774 Woodstock Road, occupée par Folger et Frykowski. Les deux maisons recevaient fréquemment la visite de trafiquants de drogue notoires. Pic Dawson, le fils d’un haut fonctionnaire du département d’état américain qui était, d’après John Phillips, suspecté par les autorités « d’utiliser la valise diplomatique pour transporter de la drogue entre différents pays », était un des habitués de la maison de Cass (il était également un habitué des maisons de Frykowski/Folger et de Tate/Polanski); tout comme Billy Doyle, un revendeur de drogue local à propos duquel Dennis Hopper prétendait qu’il avait été filmé en train de refourguer sa marchandise à la maison de Tate et Polanski tout juste trois jours avant les meurtres. Bill Mentzer, qui fut par la suite reconnu coupable du meurtre sanglant de Roy Radin – le producteur du film The Cotton Club – était lui aussi un habitué des lieux. La police de Los Angeles a décrit Mentzer comme faisant partie « d’une sorte d’équipe de tueurs ».

       La demeure de la « Dame du Canyon » était fréquentée par des personnages si inquiétants que, d’après le journaliste Maury Terry, les quatre premières personnes soupçonnées par la police dans le cadre de l’enquête sur les meurtres de Tate, Sebring, Folger et Frykowski étaient des trafiquants de drogue proches de Cass Elliot. Et pourtant la plupart des musiciens du canyon, qui n’avaient que du « Peace and Love » à la bouche, étaient étrangement des habitués de la demeure de Mama Cass. Comme le notait le magazine Rolling Stone dans son édition spéciale pour son quarantième anniversaire « la maison confortable de Cass Elliot fonctionnait comme une sorte de salon rock ». Dans une veine similaire, Barney Hoskyns écrivit dans Hotel California que « la porte de Cass était toujours ouverte ». L’ouvrage d’Hoskyns souligne également que la scène du Laurel Canyon « tournait entièrement autour de Cass et lui », le « lui » en question renvoyant en l’occurrence à David Crosby qui, tout comme Cass, avait un appétit insatiable pour les antalgiques puissants tels que le demerol, le dilaudid et le percodan. Crosby faisait partie des nombreux habitants du Canyon qui se rendaient régulièrement chez Cass pour se lancer dans des séances d’improvisation, et pour se frotter à des individus peu recommandables, pour manier l’euphémisme.

       Certains témoignages affirment qu’un autre habitué de la maison de Cass était Charlie Manson en personne. D’après Ed Sanders, c’est chez Cass que Charlie a pour la première fois rencontré l’héritière Abigail Folger (qui avait participé au financement des films de Kenneth Anger comme Lucifer Rising, qui devait avoir pour vedette Godo Paulekas, qui fut finalement remplacé par le membre de la Manson Family Bobby Beausoleil). D’après Maury Terry, la fameuse Process Church of the Final Judgement – que des preuves relient étroitement aux meurtres de Manson, du Son of Sam et du Cotton Club – a aussi frappé à la porte de Cass, cherchant à la recruter ainsi que John Phillips et Terry Melcher.

       Maury Terry a écrit que le célèbre bus de la Manson Family était garé devant la maison de John et Michelle Phillips durant l’automne de 1968. Certains témoignages soutiennent également que Manson était présent à la fête du réveillon 1968 qui fut donnée dans la maison du couple, quelques mois avant que les meurtres ne surviennent. Les liens entre The Mamas and the Papas et le clan Manson étaient si étroits que John Phillips et Mama Cass ont tous deux été appelés en tant que témoins de la défense au cours du procès de la Family, même si aucun des deux n’est apparu à la barre. Pour un groupe qui chantait « je serais en sécurité et au chaud, si j’étais à L.A. », les membres de The Mamas and the Papas avaient des relations plutôt dangereuses dans la Cité des Anges.

       À propos de relations dangereuses, peu de temps après que le groupe eût commencé à connaître le succès, Tamar Hodel reçut une carte postale de Michelle Phillips, lui demandant de regarder le passage du groupe sur le Ed Sullivan Show, puis de rejoindre le groupe au Fairmont Hotel de San Francisco, avant qu’il ne donne un concert. Tamar se présenta en compagnie de son père George – le père et la fille semblaient avoir maintenu des liens étroits, tout comme Gram et Robert Parsons – et Tamar, George, Michelle, Denny et Cass s’adonnèrent aux joies de la consommation de drogues avant la représentation.

       John et Michelle divorcèrent en 1970. Plusieurs années plus tard, Michelle révéla que leur relation avait été marquée par au moins un épisode de violence conjugale, au sujet duquel elle rechignait toujours à s’étendre. « C’était sérieux. J’ai fini à l’hôpital. C’est tout ce que je dirai à ce sujet ». Leur union avait donné une seconde fille à John, Gilliam Chynna Phillips, née le 12 février 1968 à Los Angeles. John Phillips se maria pour la troisième fois le 31 janvier 1972, avec l’actrice et adepte de Crowley Genevieve Waite. Sur la liste des invités au mariage, on pouvait trouver le futur gouverneur Jerry Brown ainsi que le futur gouverneur-adjoint Mike Curb.

    ➤ « Papa » John Phillips, le roi-loup de L.A.

    Genevieve Waite

       Leur vie de couple fut marquée par une consommation de drogues frénétique et par la naissance de deux enfants: Tamerlane, dont le nom est peut-être en partie un hommage à Tamar Hodel, et Bijou Lilly, qui fut placée en famille d’accueil à Boston Landing, après que ses parents drogués jusqu’aux yeux eurent été jugés inaptes à assurer son éducation. En juin 1972, peu après son mariage avec Waite, Phillips déménagea dans une maison du canyon qui avait été construite par William Randolph Hearst, au 414 St. Pierre Road. Les Rolling Stones venaient juste de quitter les lieux, mais leur acolyte Gram Parsons traînait toujours dans le coin et devint très proche de John Phillips. Parsons décéda cependant rapidement, tandis que John décidait de se rendre à Londres, où il aurait eu l’intention d’enregistrer un album solo avec l’aide de Mick Jagger et Keith Richards. Ce projet ne put toutefois pas se concrétiser, l’addiction de Phillips à la drogue rendant toute collaboration avec lui impossible.

       Cass Elliot débarqua à Londres l’année suivante, mais, contrairement à l’ancien membre de son groupe, son voyage à l’étranger s’avéra être à sens unique; elle fut retrouvée morte le 29 juillet 1974 dans l’appartement londonien du résident occasionnel du Laurel Canyon Harry Nilsson. On peut dire sans grand risque de se tromper que madame Elliot en savait un peu trop sur la face sombre du Laurel Canyon.

       Suite à la dissolution de The Mamas and the Papas, Cass s’était lancée dans une carrière solo couronnée de succès, et devint un visage familier sur les écrans de télévision américains. En plus d’avoir animé deux émissions spéciales diffusées en prime time sur des chaînes nationales, elle avait animé le Tonight Show, et participé à des émissions populaires du début des années 70 comme The Red Skelton Show et Love, American Style. Elle fut mariée deux fois, la première en 1963 avec le chanteur Jim Hendricks, dans ce qui fut décrit comme un arrangement platonique pour permettre à Hendricks d’échapper au service militaire. Durant ce mariage, qui fut annulé en 1968, Cass donna naissance à une fille, Owen Vanessa Elliot, née le 26 avril 1967. Hendricks n’était cependant pas le père de l’enfant, et Cass refusa obstinément de révéler l’identité du véritable père d’Owen. En 1971, dans la foulée de la dissolution du groupe, Cass se remaria avec le baron Donald von Weidmann, un riche héritier bavarois. Ce mariage ne dura que quelques mois, et Cass était célibataire au moment de sa mort quelques années plus tard. Owen, qui n’avait déjà pas de père, n’avait alors que sept ans.

       Pendant ce temps, Denny Doherty se recycla dans l’animation d’une émission télévisée à succès au Canada, tout en se produisant dans différentes versions de The New Mamas and the Papas. Il décéda le 19 janvier 2007 d’une insuffisance rénale.

       Michelle Phillips sortit un album solo qui fit un flop, puis donna une nouvelle orientation à sa carrière en se lançant avec un certain succès dans le métier d’actrice, apparaissant sur le petit écran dans des séries populaires comme Knot’s Landing, Hotel, et Beverly Hills, 90210. Elle eut de nombreuses liaisons, et se remaria plusieurs fois. Elle est à ce jour la seule membre encore en vie du groupe The Mamas and the Papas original.

       Quant à John Phillips, il parvint en 1975 à garder l’esprit suffisamment clair pour écrire la bande-son du film The Man Who Fell to Earth, une production surréaliste qui mettait en avant les talents de l’acteur débutant David Bowie et du réalisateur Nicolas Roeg, qui avait précédemment collaboré avec l’adepte de Crowley Donald Cammell sur Performance. Au même moment, Phillips mettait la dernière main à une comédie musicale atrocement mauvaise produite par Andy Warhol intitulée Man on the Moon, qui ne resta que deux jours à l’affiche. Phillips avait pendant un temps pensé à Don « Miami Vice » Johnson pour tenir le rôle principal de son space opera. Comme le reste des sommités hollywoodiennes de l’époque, Johnson résidait alors dans le canyon. Son voisin était un certain Chuck Wein, un passionné d’occultisme et ami de Warhol qui avait réalisé le documentaire Rainbow Bridge en 1972, en plus de manager d’étranges numéros de scène dans des boîtes de nuit. Wein partageait un étrange surnom avec Charles Manson: The Wizard.

       Le reste de la carrière de Phillips se résuma essentiellement à la composition occasionnelles de chansons pour d’autres artistes, sa contribution la plus marquante étant sa participation à l’écriture de Kokomo, la chanson des Beach Boys.

       En 1981, John Phillips fut arrêté et accusé de trafiquer de grandes quantités de narcotiques. D’après son propre récit des événements, il avait un arrangement avec une pharmacie qui lui permettait de se procurer d’importantes quantités de médicaments sans ordonnance (sa fille Bijou Phillips racontera par la suite qu’il s’était en fait porté acquéreur de la pharmacie, ce qui lui garantissait un approvisionnement illimité). Les accusations étaient assez sérieuses; Phillips déclara lui-même qu’il « risquait de prendre quarante-cinq ans de prison, mais [qu’il] ne prit que trente jours ». Il entra en prison le 20 avril, une date plutôt appropriée, et fut libéré seulement trois semaines et demi après. Avoir des amis haut placés ne fait jamais de mal.

       Le cercle d’amis de Phillips incluait, durant la période post-Mamas and the Papas, des personnalités telles que J. Paul Getty, Jr., Bobby Kennedy, Jr., et la princesse Margaret. Getty et Kennedy, tiraillés par leurs propres démons intérieurs, étaient probablement approvisionnés par Phillips. Colin Tenant, le riche héritier d’un énorme conglomérat pétrochimique britannique, apparaissait aussi dans la liste des relations de Phillips. Tenant était le propriétaire d’une île privée dans les Antilles britanniques, où de riches amis comme Phillips et Mick et Bianca Jagger pouvaient s’adonner à des activités inconnues dans la plus totale discrétion.

       À l'issue de sa ridiculement courte période d’incarcération, John mit en place une version de The Mamas and the Papas qui incluait sa fille Mackenzie Phillips et le chanteur du groupe original Denny Doherty. Scott McKenzie, l’homme qui avait poussé tous les jeunes fugueurs à se rendre à San Francisco avec des fleurs dans les cheveux, remplaça Doherty par la suite. Laurie Beebe prit ensuite la place de Mackenzie Phillips, après quoi Doherty fit son retour pour remplacer John Phillips. Le groupe décida d’arrêter définitivement les frais en 1994.

       Phillips et Waite divorcèrent en 1985. En 1992, il subit une transplantation du foie, la vie lui donnant ainsi une seconde chance. Quelques mois plus tard, il fut photographié en train de boire dans un bar de Palm Springs. En 1998, Phillips et les membres du groupe The Mamas and the Papas encore en vie furent introduits au Rock and Roll Hall of Fame. Trois ans plus tard, Phillips décédait d’une crise cardiaque, le 18 mars 2001. La saga n’était cependant pas encore tout à fait terminée; les filles de Phillips perpétuèrent la tradition familiale – tout en révélant quelques secrets de familles embarrassants en cours de route.

       Mackenzie, l’aînée, débuta une carrière d’actrice à l’âge de douze ans en décrochant un rôle dans le premier film à succès de George Lucas, American Graffiti. On rappellera que quelques années auparavant, Lucas était un cameraman anonyme au célèbre concert des Rolling Stones à Altamont. John Phillips, qui avait sûrement beaucoup d’autres choses importantes à faire et donc peu de temps pour s’occuper de sa fille, confia la garde légale de celle-ci au producteur Gary Kurtz pendant toute la durée du tournage d’American Graffiti. En 1975, Mackenzie obtint un autre rôle dans ce qui allait rapidement devenir une série télévisée à succès, One day at a Time. Mackenzie fut toutefois arrêtée pour ébriété sur la voie publique et possession de cocaïne au cours de la troisième saison, après quoi ses problèmes d’addiction n’allèrent qu’en s’aggravant jusqu’à devenir incontrôlables, ce qui causait bon nombre de problèmes et de tensions sur le plateau de tournage.

       Elle fut virée de la série en 1980, donnant ainsi un exemple qui sera suivi par Charlie Sheen un peu plus tard. Elle fut néanmoins rappelée par les producteurs, après avoir subi deux overdoses qui faillirent lui coûter la vie. L’année suivante, elle perdit connaissance sur le plateau, et fut une fois de plus virée. Sa carrière, qui avait pu sembler très prometteuse à un moment, était terminée aussi vite qu’elle avait commencé. Entre la fin des années 80 et le début des années 90, elle se contenta d’apparaître occasionnellement avec la nouvelle version de The Mamas and the Papas. En 1992, elle suivit une longue cure de désintoxication dont elle n’émergea que neuf mois plus tard. Elle fit ensuite profil bas pendant de nombreuses années. Mais en août 2008, elle fut arrêtée à l’aéroport de LAX pour possession d’héroïne et de cocaïne; après avoir plaidé coupable le jour d’Halloween 2008, elle fut à nouveau envoyée en cure de désintoxication.

       Un an plus tard, en septembre 2009, elle publiait son autobiographie, High on Arrival, qui dressait un portrait inquiétant de son père décédé. En plus de l’avoir initiée à la drogue à l’âge de onze ans en lui injectant de la cocaïne, Mackenzie prétendit que Papa John l’avait violée à la veille de son premier mariage, et qu’il s’était engagé dans une relation incestueuse avec elle qui dura une dizaine d’années, et qui ne prit fin que lorsqu’elle tomba enceinte sans savoir qui était le père de l’enfant – un scénario qui, il convient de le souligner, est remarquablement similaire aux épreuves subies par la mère de substitution de Michelle Phillips, Tamar Hodel.

    ➤ « Papa » John Phillips, le roi-loup de L.A.

    Mackenzie et John Phillips

       La partie de l’autobiographie de Phillips couvrant la même période ne mentionne pas la relation illicite avec sa fille. Il prétend toutefois que Mackenzie fut violée par un assaillant inconnu, qui l’avait menacée d’un couteau. Il nota aussi que « la maison de Mackenzie dans le Laurel Canyon fut détruite par un incendie », aussi choquant que cela puisse paraître. Comme nous le savons désormais, ce genre de choses n’arrive pourtant quasiment jamais.

       Un an après la sortie de ce livre qui fit l’effet d’une bombe, Mackenzie apparut dans ce qu’on peut considérer comme étant l’émission de télé-réalité la plus affligeante jamais vue sur le petit écran: Celebrity Rehab, dans un rôle à des années-lumières de sa période de gloire. Cette année-là, sa petite sœur Chynna entra elle aussi en cure de désintoxication, bien que ce fût officiellement pour calmer ses crises « d’anxiété ». Chynna apparut pour la première fois sous les feux de la rampe en 1990 avec le groupe Wilson Phillips, qui comptait également dans ses rangs Carnie et Wendy Wilson, les filles du Beach Boy Brian Wilson, qui menait alors une vie de reclus. Ce groupe ne dura pas bien longtemps, tout comme la carrière musicale de Chynna. Elle épousa l’acteur William Baldwin en 1995. En 2003 elle devint ce que Vanity Fair décrivit comme « une fervente chrétienne born again. Elle fut baptisée dans la baignoire de son beau-frère Stephen Baldwin ». Le magazine rapporta aussi cette déclaration de Chynna: « être une mère est un vrai défi pour moi – je ne sais pas ce que l’avenir me réserve ».

       Comme ses sœurs aînées, Bijou Lilly Phillips – née le 1er avril 1980, un an avant que son père ne soit sévèrement condamné pour avoir mis en place un réseau de trafic de drogue – emprunta une trajectoire dangereuse dès le plus jeune âge. Sa mère était dépendante à l’héroïne alors qu’elle était enceinte, et Bijou s’est candidement décrite comme étant une « crack baby ». Élevée en partie dans une famille d’accueil, les tribunaux la rendirent à son père lorsqu’elle eut huit ans. Ce n’était pas forcément une bonne chose pour elle.

       Décrite par Index comme étant « une enfant turbulente, à qui le destin et les circonstances ont permis de prendre part aux activités nébuleuses du monde de la nuit new-yorkais à un âge où l’on est censé jouer à la poupée », Bijou fit la couverture des magazines dès le plus jeune âge. Elle fut à quatorze ans la vedette d’une campagne publicitaire de Calvin Klein considérée par beaucoup (ainsi que par la justice américaine) comme flirtant dangereusement avec la pornographie infantile, et que Bijou elle-même a appelé « les pubs pédo-porno ».

       Bijou a raconté à l’interviewer d’Index qu’à l’occasion de cette fameuse séance de photographies pour Calvin Klein, « il y avait ce type du porno » qui rôdait de manière inquiétante en arrière-plan – en tant que conseiller technique, je présume. Ce « type du porno » a été identifié par l’interviewer comme étant Ron Jeremy, qui n’est pas un « type du porno » ordinaire, et pas seulement parce qu’il est sans doute la star du porno la plus célèbre au monde. Il s’agit aussi d’une star du porno avec de nombreuses relations haut placées. Sa mère, par exemple, était un agent de l’OSS, le précurseur de la CIA. Son oncle était un proche du fameux Benjamin « Bugsy » Siegel. Et il a été un camarade de lycée de George Tenet, futur directeur de la CIA.

       Bijou a laissé entendre que Mackenzie n’était pas la seule fille Phillips qui ait reçu des marques d’affection déplacées de la part de Papa John. Dans ses chansons, on peut entendre des paroles telles que « il ne m’a pas touchée comme il faut ». Lorsqu’un interviewer lui demanda directement la signification de ces paroles, elle répondit qu’elle avait « décidé de ne pas évoquer devant la presse ce qui avait pu se passer dans ma vie, mais de me contenter de le raconter en musique. Vous pouvez l’interpréter vous-même », bien qu’elle ajoutât aussitôt « c’est totalement évident ». La plus jeune membre du clan Phillips a aussi reconnu qu’elle s’était fait tatouer « Daddy » sur le derrière. « J’ai fait ça à un moment où je n’étais vraiment pas bien ».

    Bijou Phillips

    Bijou Phillips

       Bijou a fait ses débuts dans le métier d’actrice en 1999, et a depuis obtenu quelques rôles de second plan pour la télévision et le cinéma. Plus récemment, elle a tenu un rôle récurrent dans la série télévisée Raising Hope, où elle incarne une tueuse en série. Elle est actuellement très investie dans la scientologie. Elle a fini par réaliser que la plupart des problèmes auxquels elle a dû faire face tenaient au fait que « mes parents ne m’ont jamais respectée. J’ai toujours été traitée comme un objet, pas comme un être humain. »

     

     

    **************************************************

    Lire la traduction du premier chapitre

    Lire la traduction du seizième chapitre

     


  • Commentaires

    1
    Samedi 25 Juillet 2015 à 05:20

    Pour aller plus loin sur l'affaire du meurtre du Dahlia Noir, lire l'incroyable histoire de Steve Hodel, le fils de George Hodel.

    Après vingt-cinq ans passés dans la police criminelle de Los Angeles et avec plus de 300 affaires résolues à son actif, Steve Hodel a appris de la bouche de sa demi-soeur Tamar que leur père récemment décédé avait été un suspect dans l'affaire du Dahlia Noir. Alors à la retraite, Steve Hodel décide d'enquêter pour laver son père de tout soupçon.

    Il finit par découvrir que George Hodel était bien l'assassin d'Elizabeth Short, et qu'il était également responsable des meurtres dits "Lipstick murders" de Chicago. Il pense aussi que son père était probablement le fameux tueur en série surnommé Zodiac.

    Les anglophones pourront écouter cette interview de Steve Hodel.

    Ce site en anglais évoque aussi la dimension surréaliste des meurtres du Dahlia Noir et du Zodiac (attention, on y trouve des images très choquantes du cadavre d'Elizabeth Short).

     

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :